A la Ville, A la Scène
Derniers Jours à Moulins,
au CNCS, Centre National du Costume de Scène de Moulins
jusqu'au 17 Septembre
Costumes de scène et costumes de ville ont un processus de création identique mais ne servent pas les mêmes buts. Au théâtre, l’ap-
proche du costume est triple. Il souligne les caracté- ristiques, désigne le rôle, s’insère dans l’atmosphère de l’ouvrage, tout en ayant un code chargé de signi- fications. Le costumier et son équipe réalisent les costumes au service du metteur en scène pour que les spectateurs découvrent une histoire. Ils doivent composer avec les impératifs du rôle et de confort pour l’interprète, et les démesures propres à la scène.
À la ville, le vêtement habille avec ou sans ostentation son propriétaire, signifiant son appartenance sociale. Le styliste présente ses créations sous son nom dans le but de les vendre au bénéfice d’une marque. Cette exposition ne cherche pas à comparer l’histoire de ces deux modes d’expression pendant trois siècles mais à faire apparaître les moments où leur articu- lation fait sens et à mettre en valeur la naissance de nouveaux processus.
Sait-on que la mode doit à la scène l’évolution des manches sous la Restauration ? Que le collet et la ligne Art nouveau ont probablement été lancés par Sarah Bernhardt, dans la lignée de la promotion des actrices en mannequins pour les maisons de couture au XIXe siècle ? A partir de 1910, opéras et Ballets russes inspirent Paul Poiret et Jeanne Lanvin, tandis que les peintres et décorateurs Léon Bakst et Nata-
lia Gontcharova deviennent stylistes, comme Charles Bianchini dans les années 1890. Au XVIIIe siècle, à travers un jeu de miroir, robes et habits de cour sont exhibés au théâtre. Au siècle suivant, les comédiennes exigent d’avoir la silhouette de leur temps.
Le XXe siècle témoigne de l’union entre couture et scène. Balenciaga, Balmain, Yves Saint Laurent, Jean Paul Gaultier, Karl Lagerfeld, Thierry Mugler, Christian Lacroix signent les costumes de célèbres mises en scène. En parallèle, la mode de la rue fait son entrée sur les planches avec le vêtement de Monsieur et Madame tout le monde.
Si, à chaque siècle, les échanges entre modes de ville et de scène sont légion, leur articulation diffère, jus- tifiant une approche chronologique. Pourtant, il est des domaines et des habitudes qui transcendent le temps, comme l’écho de l’actualité théâtrale dans le commerce de la mode, le rôle des grands couturiers ou encore l’emploi des actrices comme mannequins.
Dans une démarche inédite, cette exposition renou- velle l’histoire de la mode et du costume de scène grâce aux regards croisés portés sur l’une et l’autre, expliquant ainsi la manière dont ces jeux d’influences se sont exercés au fil du temps.
Catherine JOIN-DIÉTERLE et Sylvie RICHOUX,