A lire : Danielle Darrieux ou la traversée d'un siècle

Issu d’un colloque universitaire, cet ouvrage collectif tisse un lien entre la longue carrière de l’actrice et l’évolution de l’image de la femme au cinéma.
Née à Bordeaux, en pleine Première Guerre mondiale, Danielle Darrieux décède à 100 ans en 2017.
Retracer sa vie conduit à traverser un siècle qui ne fut pas un long fleuve tranquille, et à inscrire celle-ci dans l’histoire du cinéma au féminin, répercutant - ou pas - la marche émancipatrice des femmes.
Ce livre est bien plus qu’une simple biographie de la star de l’entre-deux-guerres qui sut perdurer jusqu’à 93 ans. Danielle Darrieux est parvenue à évoluer, tout en conservant ce qui la rendait incomparable : une fraîcheur, une spontanéité, un jeu expressif du regard, un timbre de voix chantant, qu’elle savait moduler grâce, peut-être, aux conseils de sa mère, cantatrice, qui éleva seule son enfant, orpheline à 7 ans d’un père ophtalmologiste.
Sa carrière couvre presque un siècle, depuis ses débuts en 1931 à 14 ans jusqu'à son dernier film en 2010. Elle devient star dès 1935, grâce à ses succès tant dans la comédie que dans le drame.
Conseillée par Henri Decoin qui deviendra son mari, elle incarne d'abord une figure de féminité moderne, jeune fille rebelle qui finit par trouver un compromis avec des patriarches bienveillants.
La guerre et l'occupation marquent à la fois le sommet de sa popularité avec Premier Rendez-vous (Decoin, 1941) et une période personnelle difficile qui l'amène à se retirer des écrans jusqu'à la Libération. Elle retrouve une place en changeant d'image au cours des années 1950 : c'est une figure de femme intelligente et passionnée, fascinante et dangereuse, qui s'incarne dans des chefs-d'oeuvre comme Madame de...(Ophuls, 1953).
A partir des années 1960, le théâtre et la télévision seront plus accueillants pour son talent et elle enchaîne les succès sur les planches (La Robe mauve de Valentine, Sagan, 1963) et sur le petit écran (le même Sagan en 1969, Miss en 1979 ou Jamna en 1994). A partir des années 1970, elle brille encore chez Demy, Vecchiali, Téchiné, Fontaine...
Et pendant toute sa carrière, elle ne cessera d'enregistrer des chansons, avec une voix de soprano qu'on entend encore dans 8 femmes (Ozon, 2002).
Ainsi se tisse un lien entre la jeune fille débutante, «ni vamp, ni oie blanche, mais ingénue et mutine» et la tendre et impertinente vieille dame. Telle est l’optique adoptée par cet ouvrage collectif, afin de saisir sa dimension sociale, traduite économiquement, idéologiquement, socio-culturellement et esthétiquement.
Gwénaëlle Le Gras et Geneviève Sellier (sous la direction de) Danielle Darrieux ou la traversée d’un siècle Préface de Bertrand Tavernier. Presses universitaires de Bordeaux, 348 pp., 22 €.