A voir : en Belgique, la double expo Mirror Mirror

Deux musées belges enquêtent sur les liens entre la mode et la psyché, chacun à partir de sa spécialité: la mode pour le MoMu d’Anvers, la psychiatrie pour le Musée Dr. Guislain de Gand.
1/ Le MoMu d’Anvers voit large et multidisciplinaire, en examinant le lien entre la mode, la psychologie et l’identité. Tout un programme, personnifié à l’entrée par la figure 3D «I Feel Perfectly Terrible» de Dirk Van Saene. Bien habillée mais à l’expression désespérée, la sculpture en costume couture incarne le fossé entre apparence et ressenti.
La première section de «Mirror Mirror» tourne autour de la «réflexion», l’image de soi et les attentes qui y correspondent. On se croirait chez le psy, si on n’était pas entouré d’habits: voilà une robe en tulle smockée au volume outrancier de Molly Goddard, les silhouettes flirtant avec la planéité de la collection «The future’s in two dimensions» de CdG (pas Charles de Gaulle… Comme des Garçons!), des nuages de textile pastel engloutissant le modèle (Walter Van Beirendonck, en collaboration avec l’artiste Erwin Wurm)… Le point commun de ces créations, partagé avec les portraits contemporains au mur? Toutes s’affranchissent des lignes naturelles du corps, de façon à défier les standards de beauté.dans le souci de traiter cette problématique complexe de façon consciencieuse, le musée lance à tout-va des questions sur la société, le digital, la diversité… C’est ainsi qu’on passe de quelques lignes sur le trouble dysmorphique aux photos de bouts de femme chic de Guy Bourdin, un rapprochement justifié par une «même vision fragmentée du corps», avant d’enchaîner avec autre chose…
La prochaine section aborde en profondeur un sujet bien délimité: notre réaction viscérale vis-à-vis d’une réplique du corps humain. La scénographie façon maison de poupée est saturée d’inquiétante étrangeté, ce malaise provoqué par une apparition familière, voire intime, mais tout de même discordante et troublante. À l’intérieur nous attendent les œuvres canoniques de l’histoire de l’art «unheimlich»: une demi-poupée désarticulée de Hans Bellmer, une «bunny girl» affaissée de Sarah Lucas, la vidéo mettant en scène l’iconique Heidi, pervertie par Paul McCarthy et Mike Kelley…Les artefacts mode exposés ici sont originaux et bien choisis. On nous montre les mannequins en miniature ayant servi jadis à promouvoir la mode parisienne, la collection «Russian Doll» de Viktor&Rolf, structurée telle une matriochka, le twin-set «Barbie» de Martin Margiela, disproportionné comme la poupée…Les poupées de mode étaient les premiers modèles. Avant l'avènement des magazines de mode, les poupées miniatures étaient utilisées pour présenter la dernière mode au public. Surtout à partir du quatorzième siècle, ces poupées ont voyagé de pays en pays pour présenter la dernière mode parisienne à l'aristocratie européenne. (voir photo 2)
Le dernier chapitre, «Avatar», ancre définitivement l’expo dans l’actualité et même l’avenir, en explorant les mutations virtuelles du corps dans la mode et l’art contemporain. On se balade parmi les écrans, où s’animent l’influenceuse virtuelle Noonoouri, les humanoïdes des artistes Pierre Huyghe et Ed Atkins, les personnages du jeu vidéo Final Fantasy en total look Prada…
Jusqu'au 26 février 2023
MoMu Musée de la Mode d'Anvers, Nationalstraat 28, 2000 Anvers, Belgique
Tarifs : adulte 12€, jeune de 18 à 25 ans €, moins de 18 ans gratuit. Réserver en ligne